CORINTHIENS (Ire ÉPÎTRE AUX)

CORINTHIENS (Ire ÉPÎTRE AUX)
CORINTHIENS (Ire ÉPÎTRE AUX)

CORINTHIENS Ire ÉPÎTRE AUX

La Ire épître aux Corinthiens est sans doute la plus passionnante et la plus difficile des lettres de saint Paul. Elle fut écrite à Éphèse, au printemps, à Pâques de l’année 55 (ou 56, ou même 57?). D’après cette épître (V, 9-13), Paul aurait écrit une première lettre, inconnue (pour certains, il s’agirait d’un passage de la IIe épître aux Corinthiens: VI, 14-VII, 1) qui évoquai t les complicités des chrétiens avec la débauche locale. Corinthe, cité neuve d’un demi-million d’habitants, reconstruite sous César et Auguste, était réputée par sa richesse et ses mœurs relâchées: pour désigner une vie dissolue, on employait à l’époque le verbe «corinthiser», korinthiadzesthai (la ville possédait un culte d’Aphrodite et un temple où se pratiquait la prostitution sacrée). La communauté chrétienne, issue surtout des milieux modestes majoritaires, côtoyant par le fait même une minorité opulente, était le reflet de la ville elle-même: on y était enclin au libertinage; les luttes intestines n’y étaient pas rares; l’on était séduit par les sagesses grecques (Corinthe était un centre intellectuel important) et attiré par les religions à mystères.

Paul avait séjourné à Corinthe dix-huit mois durant, de l’été 50 à l’hiver 52 (Actes, XVIII, 1-8). Or, quand il écrit sa lettre, la situation n’est pas brillante dans cette Église locale. Plusieurs partis se distinguent (I, 11): le parti d’Apollos (Actes, XVIII, 24-28), juif d’Alexandrie converti à Éphèse par Aquila et Priscille, brillant interprète des textes bibliques (Apollos est auprès de Paul à Éphèse quand ce dernier rédige son épître et il ne veut pas retourner à Corinthe); le parti de Paul, plus ou moins sectaire; le parti de Céphas; enfin, peut-être, le parti du Christ. S’agissait-il, pour ce dernier parti, de juifs qui ne reconnaissaient en Jésus que le messie judaïque ou bien d’un groupe gnosticisant se réclamant directement de l’Esprit saint et rejetant l’organisation ecclésiale? Paul répond à cette situation de discorde par sa propre profession de foi: il se réclame du Christ seul, et nullement de lui-même.

Bien d’autres difficultés s’étaient levées dans l’Église de Corinthe et Paul se prononce nettement: sur les cas d’inceste (V, 1-13); sur les procès devant les tribunaux païens (VI, 1-11); sur la débauche (VI, 12-20); sur les désordres dans la pratique eucharistique (XI); sur les erreurs doctrinales à propos de la résurrection (XV). Il répond aussi aux questions que posent les Corinthiens sur la virginité et le mariage (VII), sur l’usage des viandes immolées aux idoles (VIII), sur les dons spirituels (XII).

L’authenticité de la première lettre aux Corinthiens n’a jamais été mise en doute sérieusement. Elle est citée par Clément de Rome et par Ignace. Malgré la tendance de certains à y distinguer plusieurs billets, on maintient aussi couramment son unité.

Sur l’organisation et le plan de la lettre, les avis divergent. D’aucuns y voient deux parties: d’une part, les dissensions et les scandales (I-VI), d’autre part, les solutions aux diverses questions posées (VII-XV), le chapitre XV apparaissant à d’autres comme une troisième partie. Pour d’autres encore, il convient de lire l’épître comme un traité sur divers sujets qui se seraient successivement présentés à l’esprit de l’apôtre.

L’enseignement de Paul est ici très fortement marqué, dans les réflexions et dans les prises de position qu’il contient, par la rencontre de l’idéal évangélique avec la culture païenne. Quand la conduite du citoyen converti est incompatible avec la doctrine chrétienne, Paul marque très nettement les ruptures; dans le cas contraire, il est bien plus accueillant pour les pratiques ambiantes. Ainsi se prononce-t-il sur la vraie sagesse, qui, don de Dieu dans l’Esprit saint, n’est pas païenne; sur l’éthique sexuelle, face aux deux déviations extrêmes que sont le laxisme et le mépris de la chair; sur les assemblées religieuses: il demande que leur utilité soit pour tous, qu’elles servent à l’édification de la communauté (en XII, 12-30, on trouve un long développement sur le «Corps du Christ»); que la charité (dans le fameux chap. XIII) soit première et toujours présente. Sur la résurrection (XV), Paul est très ferme (à l’encontre de certaines tendances du judaïsme hellénistique, dans lesquelles la croyance à la résurrection de la chair était très réduite) — et aussi bien sur la résurrection du Christ, qui fonde la foi, que sur la résurrection des morts, que la résurrection du Christ certifie.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • CORINTHIENS (IIe ÉPÎTRE AUX) — CORINTHIENS IIe ÉPÎTRE AUX La seconde épître aux Corinthiens fut écrite par Paul en l’an 57, tandis qu’il se trouvait en Macédoine, à Philippes probablement, et qu’il était sur le point de se rendre à Corinthe «pour la troisième fois» (XII, 14 et …   Encyclopédie Universelle

  • PAUL (saint) — Dans sa personne comme dans sa pensée, Paul fut et demeure encore aujourd’hui la figure la plus discutée du christianisme. Son autorité d’apôtre elle même fut âprement contestée jusqu’au sein des communautés chrétiennes qu’il venait de fonder… …   Encyclopédie Universelle

  • APOCALYPTIQUE ET APOCRYPHE (LITTÉRATURES) — On appelle «littérature apocalyptique» une masse d’écrits organiques que les juifs anciens, du IVe siècle avant J. C. à la fin du IIe siècle de l’ère chrétienne, ne cessèrent de produire et de promouvoir. Des éléments précurseurs s’en retrouvent… …   Encyclopédie Universelle

  • MORT - L’espérance religieuse , mort et résurrection — Le système formé par les notions de mort et de résurrection est de ceux qui structurent la conscience religieuse universelle, à tous les niveaux et dans les contextes socioculturels les plus différents; il est facile de montrer cette vaste… …   Encyclopédie Universelle

  • BARNABÉ (saint) — BARNABÉ saint Figure importante de l’Église primitive dont l’activité fut liée de très près à celle de saint Paul. Barnabé (en grec: Barnabas) apparaît pour la première fois dans les Actes des Apôtres (IV, 36 37): «C’était un lévite originaire de …   Encyclopédie Universelle

  • ANTIQUITÉ ET CHRISTIANISME — La question des rapports entre le christianisme primitif et l’Antiquité classique appelle un double travail de réflexion: on rencontre d’abord un problème préjudiciel et théorique, qui est de décider dans quel sens l’on peut envisager l’hypothèse …   Encyclopédie Universelle

  • VOCATION — VOCATI Le sens du terme «vocation» tel qu’il était employé naguère dans le langage chrétien est dévié par rapport à son origine biblique. Le mot qui appartient en réalité au langage de la révélation est «appel» (klêsis ), qui rejoint le verbe… …   Encyclopédie Universelle

  • ESCHATOLOGIE — L’eschatologie est la «science des choses ultimes» (ta eschata , en grec) ou des «fins dernières» de l’homme. Or, comme l’atteste clairement l’histoire des religions, ces fins dernières ont toujours été comprises en deux sens bien différents.… …   Encyclopédie Universelle

  • TRADITION — Le mot «tradition» (en latin traditio , «acte de transmettre») vient du verbe tradere , «faire passer à un autre, livrer, remettre». Littré en a distingué quatre sens principaux: «Action par laquelle on livre quelque chose à quelqu’un»;… …   Encyclopédie Universelle

  • ASSOMPTION — Le 1er novembre 1950, l’«Assomption au ciel» de la Vierge Marie fait l’objet d’un dogme catholique proclamé par le pape Pie XII dans la constitution apostolique Munificentissimus Deus . Ce document déclare que l’Assomption est un «dogme… …   Encyclopédie Universelle

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”